Aujourd’hui en Moselle, 3 308 élèves sont recensés par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) comme ayant besoin d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), pour 1 004 équivalent temps plein d’AESH, soit 1 800 personnes. Selon le rectorat de la Région académique du Grand Est, il n’y pas de manque d’AESH dans la région. Pourtant, la réalité du terrain a l’air tout autre. La CGT déplore une baisse dans la qualité des accompagnements. Alors, qu’en est-il vraiment de la situation ?
« Selon moi, il n’y a pas de manque d’AESH observable dans la région », martèle Anne Padier, directrice de cabinet du Rectorat de la Région académique Grand Est. Pourtant, cet été, « il y a eu une centaine de démissions pendant les vacances scolaires », relate Ginette Harter, AESH depuis 16 ans et syndiquée à la CGT Educ’Action. Aujourd’hui, en Moselle, 3 308 élèves ont besoin d’un accompagnant spécifique.
Pour qu’un enfant soit suivi par un.e AESH, il faut qu’il soit reconnu comme étant en situation de handicap mais également que son autonomie soit altérée à l’école et / ou sur le temps périscolaire. C’est la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui détermine ce statut.
L’académie Nancy-Metz relate aujourd’hui 1004 équivalent temps plein d’AESH soit 1800 personnes, pour ces 3 308 élèves. « Aujourd’hui, nous couvrons plus de 98% des notifications de la MDPH », affirme Anne Padier.
« En Moselle, nous avons 65 familles sur les 3 308 en attente d’une AESH, soit 2%. C’est évidemment encore trop, mais c’est généralement en attente de recrutement. La MDPH notifie de nouveaux enfants toutes les trois semaines, donc nous ne sommes jamais à zéro et devons recruter en permanence. Il n’y a que sur les zones très reculées où cela peut prendre plus de temps », décrit Anne Padier, directrice de cabinet du Rectorat de la Région académique Grand Est.
Seulement 2% des enfants notifiés ne sont pas accompagnés mais ce chiffre cache une autre réalité. Même si les élèves sont suivis, la qualité de l’accompagnement n’est pas au rendez-vous. Selon le rectorat, il existe deux types d’accompagnement : individuel, lorsque le besoin est continu, et mutualisé, si le besoin ne requiert pas une présence permanente. « Les consignes que l’on nous donne sont claires : vous accompagnez les élèves qui ont une notification individuelle. S’il vous reste du temps pour les enfants mutualisés, faites au mieux. Sinon, tant pis », déplore Ginette Harter. Selon elle, plus d’AESH permettrait un meilleur accompagnement de chaque élève.
Stéphane Chetreff, thérapeute spécialisé dans les troubles neurodéveloppementaux (TND), pair-aidant familial en santé mentale et en neurodéveloppement, voit les choses autrement. Au printemps dernier, il a été AESH durant trois mois dans une école primaire à Metz. Il dénonce aujourd’hui des conditions catastrophiques : « Je me suis mis en arrêt de travail. J’ai été dégouté, je n’avais plus envie ».
« On a une démographie qui augmente et de plus en plus de démarches diagnostiques qui ne se faisaient pas avant », explique le thérapeute. Des familles se retrouvent encore sans aide pour leur enfant. « Certains baissent les bras, se taisent ou sont plus ou moins rassurés par les enseignants. D’autres osent parler, appeler le rectorat. Enfin, il y en a qui vont jusqu’au tribunal », déplore-t-il.
Pourtant, selon la directrice de Cabinet du Rectorat, il est très rare qu’un enfant se retrouve sans AESH plus de trois semaines. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en difficulté sur notre nombre d’AESH dans l’académie pour couvrir les besoins. Cependant, nous avons quelques territoires où nous sommes en difficulté de recrutement », déclare Anne Padier. Et pour ces zones, des solutions sont mises en place, affirme-t-elle.
« La première solution, c’est d’accompagner l’enseignant à mettre en place toutes les adaptations nécessaires au sein de sa classe sans la présence d’un AESH. La deuxième piste, c’est un travail avec le médico-social grâce à un éducateur ou l’ergothérapeute qui viendrait dans l’école au lieu de prendre l’enfant en consultation extérieure », explique Anne Padier. Des solutions qui semblent cependant ne pas être suffisantes pour les AESH sur le terrain.
Un manque de formation
Une formation de 60h est obligatoire dès le début de la prise de poste, explique la directrice de cabinet du rectorat. « Durant cette formation initiale de 60h, on balaye toutes sortes de profils et comment y répondre« , précise-t-elle. Pour Ginette Harter, ce quota est « ridicule ». Embauchée par téléphone, elle n’a d’ailleurs pas bénéficié de ces soixante heures. « À l’époque, ça n’existait pas. Les AESH ont peut-être aujourd’hui cette formation mais pas tout de suite après la prise de poste. On les balance un peu comme ça dans les établissements sans information ni accompagnement », poursuit-elle.
Une formation courte, certes, mais qui, selon Anne Padier, serait compensée par des formations continues, ou l’intervention d’AESH référent.e.s.
« Suite à la formation initiale, il y a une formation continue pour les élèves à besoins particuliers. Nos AESH peuvent choisir des modules formation soit sur l’autisme, soit sur les troubles du comportement, soit sur les troubles dys, soit sur les troubles moteurs. En parallèle, nous avons également des AESH référent.e.s « experts » qui viennent en appui des situations complexes », affirme-t-elle.
Des formations qui semblent néanmoins trop maigres selon les AESH sur le terrain. « Aujourd’hui, on demande de véritables formations. Avec tous les différents troubles que l’on peut rencontrer dans une carrière, on peut se retrouver démunis face aux élèves car nous n’avons pas la formation », déplore Ginette Harter.
Stéphane Chetreff, quant à lui, avait trois enfants à charge. « Je sentais qu’on ne servait à rien. On n’avait aucune information sur les enfants, aucun accès aux documents. On se retrouve avec des élèves sans savoir ce qu’ils ont. Or, entre un enfant présentant un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et un autiste, je ne vais pas les accompagner de la même manière », précise-t-il.
Une demande de reconnaissance
Face à ces conditions, les syndicats appellent régulièrement à des grèves. « Aujourd’hui, on réclame la reconnaissance de notre travail. On demande la création d’un métier AESH statutaire avec un concours, un niveau d’études, afin d’avoir une reconnaissance et vraiment faire partie de l’éducation nationale. Il est grand temps de créer ce métier », explique Ginette Harter.
Aujourd’hui, ce sont les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) qui gèrent la coordination des AESH sur un secteur. « Le coordinateur de mon PIAL est également CPE. Il est donc déjà débordé par sa fonction principale », détaille Ginette Harter qui souhaite voir davantage de moyens humains et financiers déployés.
« On peut avoir plusieurs lieux d’affectation dans une même journée ou plusieurs élèves par jour. Il y a des plannings tordus sans trop d’informations sur les élèves. On est des pions », poursuit Stéphane Chetreff. Selon Anne Padier, le rectorat a pour principe de ne pas affecter d’AESH dans un établissement qui se trouve à plus de 15km de leur domicile. Malheureusement, ce n’est pas toujours possible.
Ces conditions difficiles s’accompagnent également d’un salaire qui « n’est pas mirobolant », témoigne le thérapeute. Pour un temps complet, la rémunération varie de 1800 euros brut par mois au premier échelon à 2200 euros brut par mois au huitième échelon. Mais les contrats d’AESH sont en moyenne de 24h par semaine, temps d’ouverture des écoles. « Certains ont des temps plein, pour des élèves en lycée par exemple, ou parce qu’ils accompagnent sur le temps périscolaire ou de cantine », détaille Anne Padier. « Régulièrement mes collègues m’informent que les AESH quittent le travail à cause du salaire. Cela représente à peu près 900€ par mois, ce n’est pas possible de vivre », déplore de son côté Ginette Harter.
Cassandra Tempesta et Adélie Trimbour