Une performance exceptionnelle a eu lieu ce mardi à l’Espace Bernard Marie Koltès de Metz: une étape du Turntable Titan Tour, co-réalisé par l’association Fragment. L’occasion de réunir les amoureux de la platine et les curieux avides d’expérimentation.
ErikM, Martin Tétreault, Katsura Mouri et Ignaz Schick forment un quatuor de Djs plutôt insolite, loin des standards en la matière. Ce qu’ils aiment, c’est utiliser la platine autant comme objet que comme instrument. Ils aiment la maltraiter, la confronter à divers objets et vinyles recomposés pour en extraire la substantifique moelle bruitiste.
Le français ErikM nous éclaire: « Pour moi c’est une matière comme une autre pour travailler. Certains utilisent une caméra, un appareil photo… moi, je mixe depuis 1992, et même si j’écoute beaucoup de hip-hop, j’aborde cette performance davantage sous l’angle de l’art visuel, milieu duquel je suis issu. ». Y a-t-il un peu de sadisme à maltraiter ainsi des instruments d’habitude si précieusement préservés? « Non, mais je pense que la destruction, le bruit, et cette évacuation de la frustration sont révélateurs: ce sont des thèmes très occidentaux. ». Fabrice Schmitt, président de l’association Fragment, revient également sur la démarche insolite du quatuor et sur l’organisation d’un tel événement à l’échelle européenne: « C’est comme lorsque les rockers cassaient leurs guitares! Sauf que depuis on a appris qu’elles étaient fausses la plupart du temps; alors que là, tout est vrai. Fragment a voulu s’impliquer davantage que simplement dans l’accueil des artistes. Nous avons donc financé une partie de la logistique, du transport. ». Chaque membre étant en fait son propre technicien, apportant son matériel, il suffisait de mettre en place les meilleures conditions possibles pour accueillir ces « Titans de la platine ». Mais leur approche expérimentale ne plaît pas à tout le monde, rebutant certains « esprits sectaires » dixit ErikM. On pourrait penser que le rude monde du hip-hop, sur lequel la platine règne en maîtresse absolue, serait le premier à renier ce genre d’Objet Musical Non Identifié. Pourtant, DJ Lezard, figure incontournable du hip-hop messin, ne cachait pas son enthousiasme: « Ça change de l’esprit de compétition, qui est omniprésent entre les Djs. C’est à qui aura la meilleure technique, sera le plus rapide. Moi je pense que chacun doit avoir son approche. Ici, les membres du groupe ont tous une super technique, mais ils n’en font pas étalage: ils trouvent d’autres façons de l’exprimer. ».