Lieutenant de police pendant 15 ans, Marc Louboutin a quitté le service. Journaliste, blogueur, auteur, il varie les supports et les expériences pour faire connaître la vérité un peu crue du quotidien des forces de l’ordre.
Pourquoi avoir quitté la police ?
Après une interdiction d’intervenir sur un vol à main armée en flagrant délit pour éviter de « troubler l’ordre public en période de Noël » et d’autres décisions qui me semblaient aberrantes voire déontologiquement très discutables, je me suis demandé si je voulais vraiment végéter dans ce métier qui se technocratisait déjà. J’ai pris une disponibilité pour devenir journaliste pigiste puis j’ai démissionné afin d’obtenir la carte de presse.
J’ai pris le large en gardant des relations avec les collègues et les anciens camarades de ma promotion d’inspecteur de police. En 2003, ils émettaient déjà le même genre de réserve qu’aujourd’hui, notamment sur la police du chiffre et la gestion des moyens. Mais le genre de démarche que j’ai actuellement est difficilement faisable de l’intérieur.
Avez-vous quelques statistiques à nous fournir ?
Il y a 5000 lecteurs inscrits sur Facebook, le maximum pour une simple page, j’ai donc évolué vers un « groupe » du même nom (Le Blog De Police) qui ne sera pas limité en ce qui concerne le volume de soutiens. Pour le lectorat réel, comme les informations sont lisibles par tous les membres de Facebook, je ne sais pas.
98% des membres sont des forces de l’ordre, le reste est composé de citoyens intéressés.
Quelques journalistes sont inscrits, mais rares sont ceux qui relaient les informations qu’ils lisent. Peut-être par manque de curiosité ou d’envie de « mettre les pieds dans le plat » sur la réalité du ressenti des policiers.
On lit souvent des débats, parfois acharnés, sur votre page Facebook. Effectuez-vous une modération ?
Quasiment pas pour le moment. Sur les 5000 lecteurs inscrits, j’ai dû en « bannir » définitivement moins de quinze mais j’interviens rarement. Les règles de bienséance sont bien plus respectées sur le blog de police que dans les commentaires parfois orduriers et illégaux que l’on retrouve sur des supports uniquement web et participatifs.
Mes règles sont simples : toute persistance d’appels au racisme ou à la haine est sanctionnée sans attendre par une exclusion immédiate.
Qu’attendez-vous de votre présence sur le web, notamment Facebook et le blog ?
Je veux ouvrir un vrai débat sur la réalité de ce métier sur ce que veux dire réellement le terme « sécurité publique ».
On peut résumer cette réflexion à l’opposition d ‘une « naïveté » de gauche qui tenterait de régler la délinquance par l’action sociale avec une « naïveté » de droite qui tend au même résultat par une accumulation de lois souvent inapplicables. Vivre en sécurité n’est pas un principe de droite ou de gauche, c’est un droit républicain pour tous.
Je souhaiterais aborder les difficultés rencontrées par les policiers et gendarmes, faute de moyens, de personnels et de soutien global. Il y a également la question de l’application des sanctions prévues par la loi qui est souvent un échec, notamment pour les primo-délinquants. Enfin, il y a forcément une tâche de prévention de l’Etat, notamment à l’intention des jeunes.
Lorsque le débat aura permis d’aborder ces réalités parfois crues et les difficultés concrètes du traitement de la délinquance et de sa prévention, sans se voiler la face, je crois que nous aurons fait un bon bout de chemin.