Ce vendredi 6 décembre, la table ronde « une société avec ou sans sexe » organisée par le centre Pierre Janet avait lieu sur l’Ile du Saulcy. Universitaires, sexologues ou encore docteurs étaient présents pour discuter de la place du sexe dans nos vies.
Dans l’amphithéâtre Demange de l’Université de Lorraine, ça sent la poussière et le vieux bois d’un mobilier inchangé depuis des dizaines d’années. On ne s’étonnerait pas de retrouver des chewing-gums de l’époque étudiante du docteur François Ramseyer, doyen des intervenants du jour. Quatre spécialistes sur leur fauteuil similicuir se présentent face au public. L’un d’eux, le professeur Cyril Taquinio, psychologue, modère cette table ronde. On retrouve à ses côtés : le gynécologue François Ramseyer donc, le psychiatre Laurent Le Saint et la psychologue Charlotte Démonté. La participation en distanciel d’une cinquième acolyte se révèle étonnante. La performeuse porn et présentatrice du Journal du Hard sur Canal+, Lélé O, se démarque du groupe d’universitaire.
Introduction sous lubrifiant
Le thème du jour : La sexualité a-t-elle une place prépondérante dans votre vie ? Le docteur Taquinio ne doute pas de son importance et introduit son sujet en chiffre. Le nombre de partenaires sexuels au cours de la vie a augmenté passant pour les femmes de 3,4 en 1992 à 7,9 en 2023 (selon un rapport de l’Inserm ndlr). Pour les hommes ? Aucun complexe de masculinité à avoir puisque, selon les mots du professeur, « Messieurs, vous gardez le lead », passant de 11 partenaires à 16.4. Des chiffres rapidement mis en opposition avec une autre réalité : la sexe récession. Les Français.es font moins l’amour. D’autres pratiques s’intensifient comme la masturbation, le sexe anal, ou encore les expériences numériques. Les rapports entre personne de même sexe sont également en augmentation.
Un développement qui passe quand même mal
Suite à cette introduction, la question de la pornographie est rapidement évoquée. Charlotte Démonté, suit des personnes en détention. Elle travaille sur leur rapport aux contenus pornographiques. L’occasion de présenter un outil qu’elle a développé, le pornomètre, une grille permettant de situer sa consommation de porno et déterminer si elle est problématique, addictive. Les sexologues évoquent les dangers des contenus X, de l’IA générative et de la pédopornographie.
Lélé O, elle, nuance « j’ai beaucoup d’amour pour le porno ». Il existerait « une consommation vertueuse » selon elle. La consommation des quatre intervenants répond-elle à sa définition ? La réponse n’est malheureusement pas écrite sur leurs feuilles de notes auxquelles iels ne se détachent pas. Le docteur Taquinio enchaîne et questionne ses collègues : « les technologies ont-elles pour effet d’appauvrir ou d’enrichir les relations humaines ? » Le vendredi soir est un jour judicieux pour ce genre de discussions. Toustes s’accordent sur un point : les technologies participent à l’hypersexualisation de la société.
Une société sans sexe ?
La société est nécessairement sexualisée selon ces professionnel.les. Elle sera évoquée en grande partie sous le prisme du couple. Dans le public, une psychologue prend la parole, ses patients ressentent une pression étouffante autour de la sexualité. Le docteur Laurent Le Saint rappelle alors qu’« un couple, c’est aller dans la même direction ». Question de priorité. Caché derrière ses papiers, le docteur Ramseyer évoque la peur des adolescents du passage à l’acte, « le porno engendre des conflits psychiques qui mènent à la désexualisation. » C’est un problème qu’il observe : « certains jeunes ne font que s’aimer d’un amour tendre sans sexualité ». Un constat tragique. En tant que « vieux sexologue », lui, voudrait « nous parler d’amour ». Dans cette société hypersexualisée, l’amour pourrait reconfirmer l’identité sexuelle. La différence entre hommes et femmes est devenue floue, un constat lié au « transsexualisme, dont l’augmentation pose problème ». L’amour des autres donc. Ses notes ont défilé sous ses yeux, la passion l’anime, c’est un sujet qu’il ne voulait pas évincer : « Si on n’aime plus quelqu’un est-ce que finalement on aime toujours l’autre ? ». La conférence s’achève dans vingt minutes.
« La sodomie oui, mais il faut en parler »
Le docteur Taquinio reprend la parole pour conclure le monologue de son confrère. Le psychiatre a achevé sur la capacité de communication du couple autour de leur sexualité, notamment vis-à-vis du plaisir anal. « La sodomie oui, mais il faut en parler ». Un rire gênant se propage dans la salle. Le sujet de l’éducation est central, « il n’y a pas d’éducation à la sexualité, on n’en parle pas » déclare Charlotte Démonté. Les gloussements entendus lui donnent raison. La sexualité est problématique dans la mesure où elle reste taboue. Lélé O qui s’est tenue discrète durant la table ronde, souhaite dans sa pratique « remettre les consommateurs dans leur corps ». Elle suggère que l’on connait très mal son intimité et qu’il est nécessaire de se découvrir pour engager un rapport respectueux à l’autre. N’en déplaise au professeur Ramseyer, découvrir sa sexualité peut impliquer des remises en question. Finalement, une société sans sexe, nous aurait fait gagner du temps.