Ne pas naître dans le bon corps, avoir la sensation que son reflet dans le miroir n’est pas le sien. Voilà ce que vivent des dizaines de transgenres au quotidien. A l’occasion de la journée internationale en hommage aux victimes de la transphobie, le 20 novembre, l’association nationale transgenre organisait une conférence/débat au cloître des récollets, à Metz. L’occasion de parler des difficultés que rencontrent les jeunes transsexuels face à leur volonté de changer de sexe.

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Trois spécialistes étaient réunis autour de la table lors de cette conférence organisée par l’association nationale transgenre, dans le cadre du novembre de l’égalité. Un psychiatre, un sociologue et la présidente de la fédération LGBT ont pu parler librement des jeunes transgenres et de leurs difficultés.
Que ce soit par des rencontres, ou son propre vécu, le docteur Erik Schneider, psychiatre et psychothérapeute a souvent fait face au suicide chez les transsexuels. Dans toutes les publications et études générales menées sur le suicide chez les adolescents, aucun chiffre ne parle de la transidentité.
Erik Schneider, lui-même transsexuel, l’évoque dans un rapport publié pour le Conseil de l’Europe. Pour lui deux facteurs entraînent le suicide chez les jeunes transgenres : « lorsque l’enfant trans’ a l’impression qu’il ne peut pas vivre son moi authentique » et « les violences subies » liées à la transidentité.
Arnaud Alessandrin, sociologue à Bordeaux a présenté les différentes formes de transphobie dans un récent livre. « 30 % des personnes interrogées révèlent avoir subi des propos transphobes au sein même de leur famille », indique-t-il. Un chiffre révélateur de la souffrance des jeunes transgenres.

De plus en plus de jeunes s’assument 

Les trois spécialistes parlent de jeunes mineurs qui découvrent leur transidentité très tôt. Tania Charnier, responsable du groupe Lorraine de l’association nationale transgenre évoque ce phénomène :  » On voit de plus en plus de jeunes qui cherchent à assumer leur identité de genre, Maintenant avec les réseaux sociaux, internet, les gens peuvent avoir accès aux informations. C’est plus facile d’être visible et d’assumer. »
Cependant elle nuance ses propos : « ce n’est pas pour autant que les discriminations se sont arrêtées. « Le livret, si mon genre m’était conté est né de cette constatation que les transgenres se découvrent et s’assument de plus en plus jeunes :  « Aujourd’hui on présente les transgenres comme des gens malades ». Le conte permet une alternative :  « Il était une fois une personne transgenre c’est une façon de présenter ça sous un jour plus heureux, plus positif », exprime Tania Charnier.

Pour ce qui est des interventions en milieux scolaire, pas facile pour des bénévoles qui travaillent de se rendre dans les écoles afin de sensibiliser.

Des professionnels de santé peu formés

Erik Schneider ajoute que les personnels de santé ne sont pas formés pour prendre en charge les jeunes transsexuels en dépression.

Erik Schneider
Erik Schneider

La remise en cause de l’identité de genre n’est pas prise en compte par les hôpitaux psychiatriques ou autres institutions médicales : « Les internements psychiatriques soulèvent le problème de l’absence de connaissance des personnels de la santé concernant les problématiques liées à la transidentité » indique le psychiatre allemand.
Un manque de prise au sérieux de la question du genre est récurrent des institut médicaux :  « L’enfant interné pour cause de tentative de suicide a identifié sa transidentité et le dit clairement au psychiatre traitant qui ne le prend pas au sérieux. » affirme-t-il.
De plus, les intervenants de santé peuvent nier le genre auquel la personne s’identifie, en utilisant le mauvais pronom personnel par exemple.

Pas de loi pour le changement de sexe

A ces difficultés s’ajoute la non reconnaissance du genre auquel la personne transgenre s’identifie au niveau administratif. En effet, en France il n’y a pas de loi qui prévoit la possibilité de changer de sexe dans les actes d’ état civil.
Le seul texte mis en place est la jurisprudence qui permet à une personne ayant « subi un traitement médico-chirugical dans un but thérapeutique » de changer de sexe car « elle ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social. »
Une bataille qui prend du temps et de l’argent. Stéphanie Nicot, présidente de la fédération LGBT ajoute : « Les mineurs n’auront aucun droit de changement d’état civil » en évoquant les futurs projets de loi. « Malheureusement tant qu’il n’y aura pas une écoute intelligente de la part des politiques, rien ne bougera en France », ajoute Tania Charnier.

Si le changement de genre n’est pas accepté, il n’est pas possible de présenter sa carte d’identité, en tant que papier officiel, puisqu’elle indique un autre sexe: « C’est difficile même pour retirer un colis à la poste. Imaginez quand vous montrez votre carte d’identité et qu’on vous dit : Donnez-moi vos papiers, pas ceux de votre mari » raconte Tania Charnier.

Quelques chiffres

Une étude du Comité Idaho et du think tank République et Diversité menée par Karine Espineira et Arnaud Alessandrin, publiée en 2014 fait état de quelques statistiques sur le mal être des transsexuels. (sur un panel de 281 personnes).

« Ils vécurent heureux », c’est le mot de fin du livret si mon genre m’était conté. Une façon de dire qu’être transgenre n’est pas l’antonyme du bonheur.

Elodie Potente et Fanny Ménéghin