Alors que la crise sanitaire dure depuis deux ans, chaque catégorie de la population a été touchée à sa manière. Les jeunes français déjà précarisés ont vécu difficilement cette période.
Depuis le début de la crise sanitaire, on observe un mal-être solidement ancré chez les jeunes. D’après l’OMS, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans. En France, cela concerne 16% des décès dans cette tranche d’âge. Un taux en baisse depuis quelques années.
Pour autant, les tentatives de suicide, elles, augmentent. D’après l’enquête ESCAPAD sur la santé et les consommations menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies en 2017, 2,9% des jeunes de 17 ans ont déclaré avoir fait une tentative de suicide. Les tentatives sont passées de 10,7% à 11,4% entre 2011 et 2016. Plusieurs causes peuvent expliquer ce phénomène; comme des problèmes personnels, la situation scolaire, ou l’usage de substances psychoactives. Le psychiatre Guillaume Fond rappelle la vulnérabilité de cette période de la vie: “sur le plan biologique, il y a des bouleversements. Sur le plan psychique, il y a beaucoup de stress. C’est une période où l’on joue son avenir, où l’on est en conflit avec les parents.” La pandémie de Covid-19 s’ajoute à ces raisons, et devient un élément aggravant de la hausse.
Les étudiants ont été grandement fragilisés. D’après le psychanalyste Nicolas de Schryver, cité dans un article de France 3, “le facteur déterminant dans cette épidémie c’est l’absence de perspective et la modification de nos organisations de vie ou de travail”. Il est devenu plus difficile de suivre un cursus académique, à cause des contraintes liées au distanciel. Beaucoup ont alerté sur la solitude ressentie lors des confinements. L’incertitude provoquée par le basculement de la société amène des angoisses.
L’Inserm a étudié la santé mentale des étudiants pendant la pandémie entre mars 2020 et janvier 2021. Les chercheurs ont comparé des étudiants avec des non étudiants, et ont conclu que le premier groupe est plus touché par des troubles. 36,6% des étudiants ont déclaré souffrir de symptômes dépressifs (contre 20,1%), 27,5% de symptômes d’anxiété (contre 16,9%), et 12,7% ont eu des pensées suicidaires (contre 7,9%).
Le chèque psy, fausse bonne idée
Suite au premier confinement, le gouvernement français décide d’aider les jeunes en détresse. Avec l’annonce le 21 janvier 2021 de la création de chèque psy par la Ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, les 2 816 300 étudiants en France pourraient se confier à des psychologues sur différents sujets, allant de leurs craintes pour leur avenir à des envies suicidaires.
Pour obtenir ces chèques, l’étudiant doit d’abord prendre un rendez-vous pour obtenir un suivi psychologique. Il peut se le faire prescrire par exemple chez un médecin généraliste ou bien dans un service de santé universitaire. Une fois le saint graal obtenu, l’étudiant a le droit à trois consultation gratuites en libéral. Si nécessaire, elles sont renouvelables une fois.
Un an après sa mise en place, seulement 18 000 étudiants ont été accompagnés. Un échec qui s’explique principalement par une méconnaissance de ce système par les étudiants mais également sa complexité : « Sur la forme, cela a été compliqué. Nous sommes une structure publique, les psychologues libéraux n’ont pas l’habitude de notre fonctionnement. », remarque Laurent Gerbaud président de l’Association des directeurs des services de santé universitaires (ADSSU) dans un article de l’Étudiant.
Mais une autre question se pose : où vont ces jeunes à la fin des six séances ? » Il est difficile de commencer à raconter son histoire. Si vous arrêtez au bout de quelques séances, vous interrompez la rencontre. Il y a des effets pervers à introduire une rupture dans le parcours de soin « , témoigne le psychiatre Jean-Christophe Maccotta dans un article du Monde
Les universités possèdent pourtant des structures qui peuvent accueillir les jeunes en cas de détresse : le Bureau d’aide psychologique universitaire (BAPU). Mais tout comme les chèques psy, le nombre de thérapeuthe par rapport aux étudiants est souvent très faible. Par exemple à l’université Clermont Auvergne, seulement 6 psychologues sont présents pour les 35 000 étudiants.
Le travail vital des associations
Les réponses gouvernementales à cette crise étant perçues en deçà des réels besoins par de nombreuses associations, elles ont décidé de prendre les choses en main. Si les mobilisations étudiantes d’ampleur que l’UNEF, syndicat étudiant, a mené en 2021 ont conduit à certaines avancées, comme des permanences psys gratuites, elles sont encore jugées insuffisantes. “Il est temps d’arrêter l’indécence, le mépris et l’infantilisation de notre génération”, s’indignait l’Union Nationale des Étudiants de France, dans une tribune la même année. L’organisation y plaidait pour un plan d’investissement d’urgence d’1,5 milliard d’euros pour la lutte contre la précarité étudiante.
Lors des élections étudiantes pour les CROUS de l’année passée, l’UNEF y proposait la mise en œuvre d’un plan pour la santé mentale étudiante. Parmi les projets proposés s’y retrouvaient la formation de tous aux premiers secours de santé mentale, ainsi que le remboursement effectif des psys. La FAGE, une autre association étudiante, propose depuis la crise sanitaire la prise en charge financière de consultations par une psychologue à distance. Mais les syndicats étudiants ne sont pas les seules structures associatives à prendre en charge la santé mentale des étudiants.
Nightline France, un service d’écoute dédié aux étudiants, par des étudiants, a ouvert de nouvelles lignes d’écoute dans tout le pays depuis 2020. Indépendante et non-directive, cette association propose une écoute active aux étudiants ressentant le besoin de parler. Le service a pour vocation de guider ces étudiants vers plus de clarté, leur permettant d’arriver à leurs propres conclusions.
Le service Nightline France est nocturne, ouvert de 21h à 02h30. Si tu es étudiant(e) et que tu as besoin de parler à quelqu’un pendant la journée, tu peux contacter Fil Santé Jeunes au 08 00 23 52 36, ainsi que SOS Amitié au 09 72 39 40 50, ou Suicide Écoute au 01 45 39 40 00.