Des jeunes qui mettent les mains à la pâte, ceux sont les volontaires de l’organisation non gouvernementale TETO, qui construisent des maisons pour les habitants des bidonvilles brésiliens – avec leurs propres mains et forces. Plus que donner un toit aux personnes démunies, l’ONG veut les aider à devenir les artisans de leur changement de vie en leur offrant des outils pour poursuivre leurs droits et désirs.
Le but principal de l’ONG TETO (toit, en français) est de réaliser des actions concrètes pour éradiquer la pauvreté. Sans avoir des capacités spécifiques dans le domaine de la construction et sans utiliser des outils électriques, les jeunes volontaires de l’ONG travaillent ensemble avec les familles bénéficiaires pour leur donner une nouvelle maison. Un pas important pour changer leur avenir.
L’ONG a commencé au Chili en 1997 et est aujourd’hui présente dans 21 pays d’Amérique Latine, y compris au Brésil, où elle a commencé ses travaux en 2006. Un pays en pleine croissance économique mais qui fait aussi face à la pauvreté et à la faim, visibles dans les nombreuses favelas – les bidonvilles brésiliens où les maisons sont souvent insalubres et construites avec des matériaux improvisés.
Selon le dernier rapport official du IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistiques), plus de 11 millions de personnes habitaient encore dans les favelas brésiliennes en 2010. Même si le pays a réussi à réduire son taux de pauvreté pendant les dernières années, il y a encore 16 millions de personnes (soit 8,4% de la population brésilienne) qui vivent avec moins de deux dollars par jour. En conclu un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) daté de 2014.
« En plus de travailler avec les familles démunis, on veut donner de la visibilité à cette situation, qui est invisible et oubliée. C’est injuste qu’en 2015 il y ait encore des gens qui vivent de cette façon », explique Julio Lima, le directeur social de l’ONG au Brésil.
PLUS QU’UN TOIT
Le principal programme de l’ONG est la construction des maisons préfabriquées dans les favelas. Il s’agit d’une maison simple, de 18,3 m², construite en bois, qui n’a pas pour but d’être un logement définitif. Mais cela représente un pas important pour donner plus de stabilité aux familles en remplaçant leurs baraquements qui sont souvent faits de carton ou de tôle et ont le sol en terre. « La maison TETO améliore objectivement les conditions de vie des familles : il ne va plus pleuvoir dans la maison, le risque d’effondrement et l’apparition d’animaux, comme des rats, devient beaucoup plus difficile », explique Julio.
Au-delà des changements évidents, il explique que les maisons peuvent aussi transformer les vies des familles sur le plan psychologique : « souvent il s’agit de personnes qui ont perdu la force de se mobiliser face à leurs conditions de vie. Un nouveau logement peut améliorer leur estime de soi et leur redonner espoir ».
L’idée d’aider les personnes démunies à prendre leur propre avenir en main est un des principes qui régit l’ONG. Pour cela, les bénéficiaires doivent participer à toutes les étapes de la construction. « On est vraiment strict avec cela parce qu’on ne veut pas leur donner une maison, on veut qu’ils l’acquiert, qu’ils soient des protagonistes dans ce processus », ajoute Julio.
Cela veut dire, tout d’abord, que les familles doivent contribuer au financement de la construction. À São Paulo, elles doivent payer 200 reais (environ 60 euros), du coût total de 5.500 reais (soit 1800 euros). « Je me rappelle d’une famille qui ne voulait pas participer au programme de construction parce qu’elle n’avait pas l’argent qu’il fallait – elle préférait l’utiliser pour acheter du lait pour ses fils. C’est une situation très délicate », raconte Heloisa Pires, bénévole à TETO depuis 2011. « Ils ont fait beaucoup d’efforts et nous avons construit leur maison. Maintenant, c’est passionnant de voir que le père et la mère de la famille ont trouvé un travail. Ils ont vraiment réussi à changer leur vie significativement et, à mon avis, la nouvelle maison les a aidé pour cela ».
COMMENT FONCTIONNENT LES CONSTRUCTIONS?
Au Brésil, TETO a des filiales dans quatre villes, dont la plus grande est à São Paulo, où il y a environ 250 bénévoles permanents. Chaque bureau est responsable de la réalisation des projets dans sa propre ville et ses environs. Une équipe de bénévoles visite les favelas en expliquant à ses habitants comment fonctionne leur travail. Les personnes intéressées répondent à une enquête dans le but de définir leur situation socio-économique. Parmi les conditions à remplir : la famille bénéficiaire doit déjà avoir un logement.
LES VOLONTAIRES ET LES HABITANTS: DEUX RÉALITÉS QUI SE RENCONTRENT
La plupart des bénévoles de TETO sont des jeunes âgés entre 16 et 30 ans et cela est un choix de l’ONG. Cette décision passe par leur disponibilité, mais il y a aussi une question de convictions. « Nous croyons que les jeunes universitaires feront l’avenir de notre pays et donc il est important qu’ils connaissent la réalité du Brésil », explique Julio. « Parfois les jeunes ne savent même pas qu’il y a une favela à 15 minutes de chez eux ou, s’ils sont au courant, ils ont beaucoup de préjugés par rapport à cela. Quand ces deux réalités se rapprochent par nos programmes, les préjugés se dissipent » ajoute-t-il.
Laerte Junqueira a été volontaire en 2012. Il avait déjà travaillé comme bénévole pour diverses causes, mais c’est la possibilité d’aider avec des actions concrètes qui l’a poussé a participer à TETO. De cette expérience, ce sont les interactions avec les familles qui l’ont le plus marqué : « le plus touchant est d’avoir l’opportunité d’être plus proche des personnes qui ont un quotidien marqué par la pauvreté et de pouvoir partager un moment avec elles », raconte-t-il. « Nous avons déjeuné tous ensemble, on a beaucoup bavardé et cela était vraiment une expérience enrichissante ».
Le contraste des réalités a aussi touché Marina Dantas qui a travaillé dans une construction en 2013. « Je voulais aider les autres et je savais que TETO est une ONG sérieuse et organisée. Mais c’est seulement quand j’ai vu la précarité des maisons dans la favela que j’ai compris l’importance d’être là et de donner un toit à ces familles » déclare-t-elle.
Morgan Fiette est beaucoup engagé auprès des habitants qu’il a aidé. Jeune Français, il a été au Brésil en 2010 pour être volontaire à TETO, dans le cadre de son stage universitaire. Il a participé à de nombreux programmes pendant son séjour de huit mois et il a même décidé de vivre l’expérience d’une façon encore plus intense. « Je passais mon temps à construire des maisons, mais je n’avais jamais moi-même vécu dans l’une d’entre elles. J’ai participé à la construction de la maison de « Dona » Maria et « Senhor » José, deux habitants d’une favela à São Paulo. Je leur ai demandé si je pouvais dormir quelques temps chez eux, ils m’ont adopté » se souvient t-il. La distance les empêche de rester en contact, vu que le couple n’a pas Internet, mais l’affection demeure toujours. « Si j’ai la chance de retourner au Brésil, la première chose que je ferai en arrivant, ce sera d’aller les voir ». Même loin du Brésil, Morgan continue à aider TETO. Il est devenu « Amigo do TETO », c’est-à-dire qu’il fait un don mensuel à l’ONG.
Pour Heloisa Pires, volontaire depuis 2011, la relation avec les habitants des favelas est devenue encore plus étroite quand elle a commencé à participer aux programmes à long terme. « L’implication est très forte et ces personnes ont besoin de plus qu’un toit, il leur faut aussi de l’attention. Je vais donc souvent leur rendre visite et j’ai vraiment développé une relation familiale avec eux ».
LES PROGRAMMES À LONG TERME
La construction de maisons dans les favelas est le programme le plus connu de TETO, mais l’ONG a conscience que, pour vraiment éradiquer la pauvreté, les projets à long terme sont indispensables. Pour cela, depuis 2013, il y a des groupes de volontaires qui travaillent en continu avec les communautés pour savoir quels sont leurs problèmes prioritaires et essayer d’apporter des solutions – que ce soit dans le cadre de l’éducation, des loisirs, de la santé ou de la culture. « Si cela est dans nos capacités, on les aide. Mais TETO favorise toujours le travail d’équipe, donc on cherche d’autres organisations qui peuvent les aider, comme la mairie de chaque région, pour comprendre s’il est possible de faire tel ou tel projet », explique Julio.
Récemment, TETO a aidé à construire un « jardin communautaire » dans une favela à São Paulo, projet dont Julio est très fière et qui inspire les projets à venir. Il y a également la création d’un programme d’éducation pour les enfants de 5 ans et moins, et la formation de dirigeants des communautés des favelas – les deux seront mises en œuvre en 2015.
Crédits photos: TETO Brasil