On connaissait le végétarisme, le végétalisme également. Maintenant c’est au tour du véganisme de faire parler de lui. Fondé sur l’abolition de toutes formes d’exploitation des animaux ( nourriture, habillement, cosmétique, …), ce mode de vie alternatif ne fait pas l’unanimité. Beaucoup critiqué et catalogué de « mouvement extrême », le conflit omnivore VS végan s’accentue. Même s’il est de plus en plus médiatisé et convoité, le véganisme fait peur et semble dangereux pour la santé. Mais qu’en est-il vraiment ?
Viandes, produits laitiers, œufs, poissons. Ce sont les aliments proscrits par les végans. Si certains suivent la mode « ultra-healthy » poussée par les réseaux sociaux, les « vrais » végans le sont devenus par prise de conscience. Laurent, 40 ans et végan depuis cinq ans, a changé du jour au lendemain. « Un film m’a définitivement retiré les œillères que je portais depuis trop longtemps : « Earthlings ». D’autres sont passés par des phases différentes (végétarienne, végétalienne, etc) pour réapprendre à consommer. Pour la plupart, le véganisme est une suite logique, c’est être en accord avec ses principes jusqu’au bout. Pour Camille, 19 ans, « il n’y a pas de règle. Il est quand même conseillé de laisser son pauvre intestin s’habituer au nouveau régime alimentaire avant d’aller encore plus loin (l’affaire de deux ou trois mois)».
Halte aux idées reçues ! Un végan ne se prive de rien, il adapte simplement ses envies à ses convictions. Des produits végans de tout type se développent de plus en plus. Dans l’alimentation beaucoup de substituts existent pour éviter une routine dans les plats. N’en déplaise aux omnivores, manger végan ce n’est pas seulement manger du tofu. « Aujourd’hui on peut tout cuisiner en version végane. On mange des hamburgers, de la glace, des cupcakes, des pancakes, des bonbons… Je veux dire, on se nourrit pas exclusivement de smoothies verts et de pommes », lance Tara. De la saucisse aux viennoiseries véganes, l’important est de manger équilibré en se faisant plaisir. Si on a une envie de fromage, on en trouve au lait de soja, de coco ou à base de levure. Sarah, végane depuis presque un an, a pu découvrir de nouveaux aliments : des déclinaisons du soja par exemple ou encore le seitan, qui peut ressembler à de la viande. L’important ce n’est pas de s’interdire de manger mais plutôt de diversifier.
Danger ou opportunité pour la santé ?
Les critiques sur le mode de vie vegan sont dues pour la plupart à des clichés et à l’influence des scientifiques. Selon Sarah, « pour avoir de réelles informations il faut s’intéresser à la littérature scientifique, et c’est ce que devraient faire les réfractaires. Ils apprendraient beaucoup de choses, notamment que c’est bénéfique pour la santé car il diminue les risques de maladies cardio-vasculaires, certains cancers etc ». Depuis le scandale de la viande de cheval, de nombreuses questions se sont posées : la viande est-elle aussi bonne pour la santé qu’on le dit ? Ne devrait-on pas s’alimenter d’une autre manière ? D’après une enquête de l’OMS publiée sur Santemagazine.fr, « selon plusieurs études, la consommation de viande rouge augmenterait de 24 % le risque de cancer du côlon et de 20 à 60 % ceux de l’œsophage, du foie, du pancréas ou du poumon ». Hormis le plaisir gustatif, la viande ne se rend indispensable que par ses apports nutritionnels.
INFOGRAPHIE – La consommation de la viande dans le monde
La consommation de produits carnés a fortement baissé en Europe et même aux États-Unis depuis ces dix dernières années. C’est le continent asiatique qui aujourd’hui prend la relève (Inde et Chine ) avec près de 46% des 286 milliards de tonnes de production annuelle. Si les élevages s’intensifient et que la production augmente encore, certains chercheurs sont prêts à dire qu’en 2050, la production pourrait atteindre 465 millions de tonnes pour plus de 9 milliards d’habitants dans le monde. Voici quelques chiffres sur la consommation de produits carnés ( beaufs, veaux, ovins, volailles, … ).
Les omnivores ne cessent de répéter que le plus grand risque est la carence. Pourtant, ce n’est pas propre aux végans. De nombreux mangeurs de viande ont des carences qu’ils ne soupçonnent pas car ils s’alimentent en fonction d’une seule idée : omnivore veut dire en bonne santé, selon Camille. Tout est une question d’équilibre : les légumineuses (pois chiche, haricots rouges, …), les oléagineux (noix, amandes, …) sont essentiels à leur nutrition. Si Anne Durocher, diététicienne, ne conseille pas à ses patients ce mode d’alimentation trop « extrême », elle donne une solution. « Le plus grand risque est le manque de vitamine B12 qui est exclusive au règne animal, puis les risques de carences en FER et VIT D qui sont plus fréquent chez les végans. On conseille les suppléments de B12 à nos clients sous forme de comprimé ou gélule ». Être végan n’est donc pas de tout repos. Il faut savoir comment son corps fonctionne pour parer à d’éventuels problèmes d’anémie ou de fatigue.
Un « régime » viable sur le long terme ?
Attention ! Il ne faut pas tomber dans ce mode de vie sans y être préparé. Nombreux sont ceux qui suivent aveuglément les stars qui s’y convertissent ou ceux qui veulent faire un régime. Et c’est bien là le danger. Avant de se lancer, une bonne documentation est essentielle et il vaut mieux être suivit par un nutritionniste. Sarah estime que l’essentiel c’est « d’écouter son corps » et d’agir en conséquence comme lorsqu’on est omnivore. Plein de petits conseils sont bons à prendre si l’on veut changer son alimentation : chercher des recettes pour ne pas tomber dans une routine et les faire découvrir par exemple. De nombreuses applications ou sites « végans » se développent comme Vegetarian Scanner, Healthy Out pour Iphone ou encore Recettes végétariennes, What additives pour Android. Puis, le fait d’en parler à son entourage estompe les éventuelles exclusions lors des repas. Mais comme le précise Camille, « il ne faut pas s’interdire un morceau de fromage, un jour, si on en a vraiment envie, au risque de laisser tomber définitivement ». Tara est du même avis : « Évidemment, si vous ne mangez plus que des haricots verts, au bout d’une semaine vous allez craquer… ».
Mais le véganisme est-il un mode de vie durable dans la société actuelle ? Rien ne précise si ce modèle de consommation est faisable sur toute une vie mais cela reste possible. Il faut être prêt à changer du tout au tout en matière d’alimentation et de mode de vie. Il faut être prêt à surmonter les critiques ou les regards pour ne pas flancher. Si tel est le cas, Laurent a une solution : « Il existe de nombreux groupes d’entraide sur Facebook, de conseils, d’informations ! Cherchez sur internet, soyez curieux et surtout désapprenez tout ce qu’on vous a appris ». Au final le plus gros changement se passe dans la tête : ils ne voient plus du tout le monde de la même façon. « Ça n’est pas forcément une vision plus agréable mais une vision plus juste, sans packaging commercial autour », explique Laurent. Leur mode paraît extrême mais ils préfèrent se dire radicaux. Dans Le charme discret de l’intestin, Guilia Enders déclare que « l’heure du triomphe des carnivores sur les phytophages n’a pas encore sonné ». Rien ne prouve d’un côté comme de l’autre que le véganisme est néfaste pour la santé sur le long terme. Encore faut-il le faire par compassion et non par égocentrisme.