A l’angle de la rue Mazelle et de la rue de la Grande Armée, à Metz, une drôle de boutique siège. Elle est tenue par un couple africain et fier de l’être qui s’évertue tous les jours à partager sa culture aux travers de ses produits. Rencontre.

René Tendo-Evaristo est maniaque. Il aime que tout soit propre dans son épicerie, comme sur lui. Chaussures crocos cirées, chemise impeccablement repassée, veston, parfum : c’est tiré à quatre épingles qu’il fait le ménage. « Tous les matins, je passe le balai pour accueillir le plus convenablement possible les clients dans ma boutique. » Une épicerie qui respire la culture africaine. Les couleurs sont criardes et les senteurs d’épices remplissent les narines.

Pêle-mêle, on y trouve des rajouts pour cheveux, des shampoings pour cheveux crépus, des conserves de coco, des bananes plantains, de la maroquinerie ou encore du manioc et des farines de maïs. Aujourd’hui retraité, René a du mal à raccrocher les torchons et son sourire de vendeur. Il bichonne encore précieusement son petit coin d’Afrique  au cœur de Metz. « Je suis fier d’aider mon épouse à la boutique, ici, on est en famille ». Une entreprise familiale qui a ouvert ses portes il y a 30 ans, lorsque René et sa femme sont venus s’installer en France.

« La France, le pays des droits de l’Homme »

Originaire d’Angola, le couple a  fui le pays en 1975 alors qu’il était en proie à une décolonisation douloureuse. Une expérience difficile à propos de laquelle René reste ferme : « Je ne veux pas vous parler de politique ici, c’est confidentiel ». Sa famille tuée par l’armée, plus rien ne le retenait en Afrique. « Je suis venu en France car c’est le pays des droits de l’Homme et de la liberté ». Un tissu économique chaotique, des problèmes sanitaires et un système éducatif en perdition  l’ont aussi poussé franchir le Rubicon.

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« On est venu en France pour offrir une scolarité convenable à nos futurs enfants. Aujourd’hui, j’en ai trois, tous sont diplômés et travaillent. C’est ma grande fierté ». Même si elle a fui l’Afrique, la famille désire partager ses origines. « On ne savait pas combien de temps on allait rester en Lorraine. Nous avons donc décidé de voir les choses plus loin. On a décidé d’ouvrir une épicerie pour qu’on puisse partager quelque chose de la pensée africaine à Metz ».

La Culture dans l’assiette

Lancée à la hâte à la fin des années 1970, la petite boutique improvisée est aujourd’hui un repère incontournable pour tous les amoureux de la cuisine africaine. Tous les produits sont garantis d’origine contrôlée. Grand-père de deux petits-enfants, René n’hésite pas à cuisiner africain pour partager la culture angolaise.  « Quand je me mets aux fourneaux, on s’en mange même le bout des doigts » confie-t-il sourire aux lèvres. Amoureux du pays aux antilopes noires, il livre volontiers ses secrets et partage ses recettes avec ses clients.

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« Le chikwangue, une mixture totalement africaine à base de manioc, vous connaissez ? » Stockée dans les congélateurs, la racine est le produit phare de l’épicerie. « On enlève la peau, on le met dans de l’eau froide pendant une semaine, puis on le mouline à la main pour le faire bouillir une heure puis on emballe la mixture dans des feuilles. C’est un régal ».

Lieu de rencontres et d’échanges

Ce matin-là, les clients défilent à la boutique. Parmi eux, Richard, un sénégalais arrivé il y a 30 ans en France. Il vient juste d’emménager à Metz suite à un divorce difficile. « Les difficultés de la vie passent beaucoup mieux quand il y a ce genre de boutique. Ici, je suis chez moi ; ici,  c’est l’Afrique ». L’épicerie prend alors des airs de café. Les clients viennent rendre visite à René et sa femme pour acheter des « produits locaux » mais aussi pour partager et discuter.

Derrière son comptoir, René est soucieux de l’avenir de son épicerie : il ne sait pas si l’un de ses enfants va reprendre le flambeau et perpétuer la tradition familiale. Pour ce jeune retraité, c’est une fierté de partager la culture angolaise dans ce coin de soleil venu tout droit d’Afrique.

[toggle title= »Le mot du président de l’Association des Ivoiriens de Lorraine »]

En Lorraine, il existe une forte communauté africaine qui fait vivre sa culture par le biais d’association. Outre l’épicerie, la culture africaine est présente dans toute la région.

Festival de musique, cours de danse… Tout sent bon le soleil. « Rien qu’à Nancy et ses environs, il y a environ 300 ressortissants ivoiriens. Et nous ne sommes pas les plus nombreux en Lorraine ! C’est dire s’il y a une forte communauté ! » Guy-Matthieu Koffi est le président de l’association des Ivoiriens de Lorraine. L’association permet à des Africains de se réunir pour partager des soirées et des ateliers. « Nous avons organisé un défilé de mode dernièrement pour montrer les tendances et l’art de la couture de chez nous ».

« La gastronomie, la musique et la danse se retrouvent dans de nombreuses associations de la région. Elles perdurent grâce aux ressortissants eux-mêmes qui rentrent chez eux et cultivent ce goût pour leurs produits. Il y a aussi des ressortissants qui se déplacent souvent sur Paris et nous rapportent des produits grâce aux marchés de Châteauroux et Chatelet ».

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