Paquets neutres, hausse du prix, mois sans tabac … Autant de moyens ayant pour objectif de réduire le nombre de fumeurs en France. Mais est-ce bien efficace ? Jocelyne Oualid, tabacologue à Metz, dévoile les infos intox sur la lutte contre le tabagisme.
« Les bénéfices de l’arrêt du tabac interviennent presque immédiatement » (Tabac info service)
Faux.
Le kit du mois sans tabac et le site internet Tabac info service diffusent une liste d’effets à court, moyen et long terme de l’arrêt du tabac sur le corps. Jocelyne Oualid, tabacologue, explique que cette énumération est « extrêmement théorique, il faut faire attention à ne pas trop se fier aux statistiques et aux écrits ». Le problème est que les fumeurs désireux d’arrêter se focalisent sur ces données mais les bénéfices ressentis lors de l’arrêt du tabac ne se ressentent pas dans ce timing. « Si un patient, en train d’arrêter de fumer, tousse et que cela ne s’améliore pas comme l’avait prédit le kit, il va se dire que ce n’est pas la peine d’arrêter ». La stratégie de communication du mois sans tabac serait donc à revoir.
«La lutte contre le tabagisme (…) sera intensifiée à la fois en augmentant rapidement et fortement, dès 2018, le prix du tabac » (Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé)
Faux.
Le prix du tabac va continuer d’augmenter jusqu’à atteindre 10 € par paquet en fin 2020. Néanmoins, le coût n’a pas d’effet majeur sur l’arrêt du tabac selon Jocelyne Oualid. « Nous sommes frontaliers avec le Luxembourg. Les gens vont aller acheter des roulées ou des tubés certes (ndlr : parce que moins chères au vu de la quantité de tabac); mais ils auront leur dose de nicotine ». Le coût ne serait qu’un frein mineur, les fumeurs vont contourner l’obstacle pour pouvoir fumer.
Le souci est que « roulées et tubées ont une toxicité égale à deux cigarettes manufacturées » (blondes). Deux fois plus d’effets négatifs pour palier cette hausse du prix du tabac donc. « Quand vous n’allez pas bien et que vous avez envie de fumer, vous ne vous posez pas la question, ajoute la tabacologue. Vous achetez d’abord et vous réfléchissez après ».
L’objectif du paquet neutre « est de casser le côté attractif de beaucoup de paquets de cigarettes » (Marisol Touraine, ex-ministre de la Santé)
Vrai et faux.
Depuis le 1er janvier 2017, les paquets sont vert foncé, sans logo de marque et contiennent des images chocs. Visuellement, l’emballage des cigarettes n’est plus attractif. Le but est de « dégoûter » les fumeurs.
En revanche, la mise en place des paquets neutres devait avoir un impact négatif sur la consommation. Or « il semblerait qu’il y ait plus de fumeurs qu’avant » explique la tabacologue. L’Institut Nationale de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES) recense 15 millions de fumeurs en France.
« En France, la cigarette électronique, selon ses caractéristiques, peut être soit un produit de consommation courante soit un médicament » (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé)
Vrai et faux.
La cigarette électronique est devenue un produit de consommation courante. « Ce qui me dérange c’est de voir les personnes qui sont passées de la cigarette à la cigarette électronique, raconte Madame Oualid. Elles ont le cordon autour du cou et la tétine dans la bouche toute la journée. On a déplacé le problème ».
À l’heure actuelle, aucune cigarette électronique ne dispose d’autorisation de mise sur le marché en tant que médicament. Jocelyne Oualid explique que la e-cigarette contient quelques produits cancérigènes. « Pour l’instant, on vous dit que c’est moins toxique que la cigarette classique, annonce la tabacologue. Mais les publications ne sont pas suffisamment nombreuses, nous n’avons pas de recul ».
« Le message positif que véhicule #MoisSansTabac a trouvé un écho favorable auprès des Français » en 2016 (François Bourdillon, directeur général de Santé publique France)
Vrai.
L’année dernière pour la première édition, 180 000 personnes se sont inscrites à l’opération selon Santé publique France. « Le mois sans tabac est intéressant, affirme Jocelyne Oualid. On vous en parle suffisamment pour qu’un jour vous trouviez votre date d’arrêt, même si ce n’est pas forcément en novembre. Avec le mois sans tabac, vous allez vous dire « Pourquoi pas moi ? » ».
Plus de 630 000 kits d’aide à l’arrêt du tabac ont été distribués. « Néanmoins, les personnes auraient aimé avoir des échantillons (patch, gomme, nicotine, etc), explique la tabacologue. C’est dommage de ne pas laisser la possibilité de tester. Surtout que cette solution était possible puisque les comprimés et la nicotine sont disponibles à l’achat et sans ordonnance ».
La ligne téléphonique 39 89 aurait reçu 15 500 appels, soit deux fois plus que d’ordinaire. Malheureusement pour les fumeurs, « Tabac info service n’arrive plus à répondre à la demande » annonce Jocelyne Oualid.
Voir aussi : J’ai testé pour vous le kit mois sans tabac