Hearthstone, Ori and the Blind Forest ou encore Pokemon Go. Ces trois jeux à succès ont une chose en commun : ils utilisent le moteur graphique développé par Unity. L’entreprise américaine, acteur incontournable du secteur, a annoncé vouloir mettre en place une nouvelle politique tarifaire. Devant la levée de bouclier qu’a suscité sa dernière idée, l’entreprise a dû s’excuser et se raviser.
La colère du secteur vidéoludique a eu raison de la nouvelle politique tarifaire d’Unity. Le 12 septembre, Unity Technologies, entreprise détentrice du moteur graphique Unity, a annoncé un changement dans sa politique tarifaire. Ces moteurs graphiques sont indispensables au développement de jeux vidéo puisqu’il gère tout ce qui s’affiche à l’écran. Objets, angles de caméras, éclairages, animations : rien n’existerait sans moteur graphique.
Jusqu’alors, Unity proposait une utilisation gratuite de ses composants logiciels pour les petits studios, devenant ainsi leur choix de prédilection. Un système d’abonnement était proposé pour les plus gros éditeurs via un système de seuil.
L’entreprise américaine a annoncé que chaque studio devrait s’acquitter, en plus du système d’abonnement déjà existant, d’une taxe pour chaque installation de son jeu par un utilisateur. La taxe dépend de l’abonnement auquel le studio de jeu vidéo souscrit. Les taxes sont dégressives en fonction du volume vendu, sauf pour les éditeurs utilisant la version gratuite du moteur graphique. Un surcoût qui menace la stabilité économique des petits studios de jeux vidéo.
La surprise, puis la colère
Dans sa décision, Unity a réussi l’exploit de rassembler l’ensemble des acteurs du secteur vidéoludique contre elle. L’annonce d’une nouvelle politique tarifaire agressive a entraîné la stupéfaction avant les questionnements. Est-ce que chaque installation d’un jeu par un même utilisateur coûtera au développeur d’un jeu vidéo une taxe ? Est-ce que cela s’appliquera également aux démos jouables des jeux vidéo ? Est-ce que les jeux installés gratuitement via des abonnements comme le PlayStation Plus et le Xbox Game Pass feront aussi payer une taxe au développeur ? Autant de questions qui ont suscité l’incompréhension et la colère chez les studios.
L’ensemble de l’industrie vidéoludique s’accorde à dire que payer autant de frais additionnels conduirait à la mort certaines de nombreux studios, les indépendants en tête. Innersloth, le studio derrière le viral Among Us a publié un communiqué expliquant que si cela se concrétise, ils “retarderont le contenu et les fonctionnalités que les joueurs souhaitent réellement pour porter le jeu ailleurs.” Même menaces du côté de nombreux studios comme les américains d’Aggro Crab qui concluent leur déclaration par un “je putain de déteste en arriver ici.” Ambiance…
Face à l’ampleur de la débâcle et à la contre-attaque de nombreux développeurs qui ont annoncé ne plus vouloir travailler avec Unity, l’entreprise américaine ne pouvait pas faire la sourde oreille. Le 18 septembre, après six jours de silence, Unity réagit à la polémique sur X (anciennement Twitter) : “Nous nous excusons pour la confusion et l’angoisse provoqués par la politique de frais d’installation que nous avons annoncée”. Elle assure avoir entendu les plaintes et écouté ses équipes et souhaite présenter une nouvelle copie dans les prochains jours.
“Je suis désolé”
C’est en ces mots que le directeur d’Unity, Marc Whitten, reconnaît son erreur dans une lettre ouverte parue le 22 septembre. Il regrette de ne pas avoir eu “plus de conversations” avec la communauté et de ne pas avoir entendu les “commentaires avant d’annoncer la politique de frais”. Afin de reconquérir des studios plus que dubitatifs sur leur collaboration, Unity à mis de l’eau dans son vin et à revu ses prix et les seuils d’application de ses derniers.
Le géant Américain revient sur sa décision de taxer les studios et les jeux vidéo les plus modestes. Un choix logique tant leur moteur graphique est plébiscité pour les projets indépendants. Ainsi, la formule gratuite Unity Personal ne sera finalement pas concernée par les nouvelles taxes. L’entreprise américaine va même plus loin en augmentant le plafond financier des studios pour l’utilisation de cette formule. Les particuliers et petites entreprises ayant générés ou collectés moins de 200 000 dollars sur les 12 derniers mois auront la possibilité d’utiliser la formule gratuite, contre 100 000 dollars auparavant.
Concernant les taxes à l’installation, les studios auront le choix. Le plan de départ prévoyait une taxe de quelque cents, mais les développeurs pourront à présent choisir de céder 2,5 % des revenus du jeu. Un avantage notoire puisque l’autre principal moteur graphique, Unreal Engine, impose une taxe à hauteur de 5 %. Les seuils ont également changé, devenant plus difficiles à atteindre. Les clients des formules payantes d’Unity seront prélevés à partir d’un million de dollars de revenus sur les 12 derniers mois, contre 200 000 dollars dans la politique tarifaire originellement présentée. Enfin, la nouvelle politique tarifaire, revue par Unity, n’entrera pas en vigueur avant 2024. Des annonces calmant la rogne du secteur vidéoludique et permettant aux studios indépendants de pousser un grand ouf de soulagement.
Martin Bertrand