Dans une société où le sexe est partout, où l’épanouissement est censé passé par l’orgasme et où faire sa liste de partenaires revient à faire sa liste de courses… Comment vivre avec cette maladie taboue de l’amour qu’est le vaginisme ? Comment avouer que les relations sexuelles peuvent devenir un vrai parcours du combattant ?
Vaginisme. Un mot qui intrigue. Une maladie souvent inconnue au bataillon. Pourtant elle existe bel et bien et quand une femme en est atteinte, c’est tout un mythe autour du sexe qui s’écroule. Les vaginiques le vivent bien souvent comme un désenchantement. Pire, comme une honte.
Le vaginisme peut être primaire ou secondaire, dans tous les cas, le sexe devient une torture. Ces femmes ressentent une telle douleur lors de la pénétration que la relation intime devient impossible. Le moindre petit objet, même un tampon, est un affront et le vagin se dresse comme un rempart. Il s’agit des muscles de la zone qui se contractent en obéissant à un réflexe inconscient. Il y a ce sentiment de porte verrouillée. Et la forcer ne ferait qu’aggraver les choses.
Le corps a ses raisons que la raison ignore
Il y a cette sensation d’avoir un couteau entre les cuisses. Une douleur lancinante. Pourtant ce n’est pas faute de désir ou dû à une malformation. Dans ce cas, c’est la psychologie qui entre en jeu. Un souvenir d’enfance lointain, une situation traumatisante, un détail. Le vaginisme est un mystère. Souvent les mêmes questions reviennent avec un élan de culpabilité : « Pourquoi moi ? Pourquoi je ne peux pas le faire comme toutes les autres ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? ». Oui le vaginisme est un mystère, mais pas une fatalité.
Noémie*, une étudiante de 24 ans, est atteinte de vaginisme primaire. En d’autres termes, elle n’a encore jamais eu de relation avec pénétration. « J’ai eu mon premier copain assez « tardivement » par rapport à la moyenne, j’allais sur mes 20 ans. J’ai toujours redouté la première fois et en fait j’ai tout découvert avec mon copain, même la masturbation, que je ne pratiquais pas avant qu’il m’initie à cette pratique. En fait je crois que je ne savais rien sur le sexe et que je ne cherchais pas à savoir. Un soir je me suis dit « c’est le grand soir », et… ce n’est pas rentré. On n’a pas paniqué, ça devait être le stress, l’appréhension… puis on a réessayé plusieurs fois, sans succès. Au final la routine s’est installée très vite, on n’allait pas se mettre de pression, j’étais pas prête, ça allait venir. Les années ont défilé et les tentatives étaient de moins en moins pratiquées, si bien que je me mettais à pleurer quand ça ne marchait pas et lui se renfermait. Et puis on a développé une autre façon de faire l’amour, sans pénétration. Ça nous convenait. »
Au-delà de la honte
Au début, il y a toujours de l’incompréhension. Les femmes pour qui la pénétration est impossible mettent souvent du temps à consulter. Pour bien des raisons. La peur, le trouble, la gêne. Beaucoup de sentiments qui viennent s’ajouter à la frustration. Pour Noémie, l’élément déclencheur est venu de son compagnon de l’époque. « La dernière année qu’on a passé ensemble j’ai senti qu’il en avait marre, il m’a trompé, j’ai pardonné. Puis dès qu’il approchait son pénis de mon vagin, sans même tenter d’entrer je m’effondrais en larmes. Il commençait à me dire que plus tard il voudrait des enfants, qu’il voulait vraiment avoir une relation sexuelle normale avec moi… Du coup j’ai pris rendez-vous chez une sexologue. Et ma thérapie a commencé ! »
Quand un mot est mis sur son problème, Noémie est d’abord perturbée, mais bien vite elle se rassure. Oui, elle peut guérir. « Un soir en lisant un magazine, Biba il me semble, je suis tombée sur le témoignage d’une femme qui n’arrivait pas à être pénétrée, et elle a découvert qu’elle était vaginique. Première fois que je tombe sur ce mot, je me reconnais dans son témoignage, je panique, je fais des recherches internet et je refuse complètement d’admettre que ça me reflète. Non, je ne pouvais pas avoir ça, non c’est juste que j’étais trop stressée, non, non, je ne suis pas atteinte de cette chose honteuse ! C’est seulement quand la sexologue m’a dit « vous faites du vaginisme », que là je l’ai admis. Et ça m’a aidée. Je me suis sentie soulagée de l’entendre dire de la bouche d’une professionnelle. Elle a confirmé ce que je redoutais le plus. D’un côté je l’ai mal pris car ça m’a prouvé que j’avais un problème, une « maladie », d’un autre je me suis sentie moins anormale, surtout quand j’ai su le nombre de femmes que ça touchait ! Et puis on m’a dit qu’on pouvait en guérir, que ce n’était pas une fatalité. »
Vaginisme et silence
Comme beaucoup de vaginiques, Noémie a du mal à en parler autour d’elle. Derrière l’écran, elle trouve un soutien sur les forums. Mais dans son entourage, seuls ses parents sont au courant : « J’ai une très bonne relation avec ma mère, donc ça m’a soulagé de pouvoir en parler à quelqu’un, même si j’ai eu honte. Elle a mis mon papa au courant, car ce sont eux qui m’ont payé la sexologue. C’est un beau soutien. J’ai hésité à en parler à une amie très proche mais je me suis rétractée à plusieurs reprises. Je le ferai une fois guérie, ça c’est sûr ! »
Trop peu abordée, cette maladie concerne pourtant un nombre de femmes plus important qu’on pourrait le croire. Il n’y a pas de statistiques officielles mais selon le site Velvi.fr, « 10% à 15% des femmes sont ou ont été touchées par ce problème ». Certains témoignages aperçus sur des forums de soutien démontrent même que des gynécologues se sentent impuissants face au problème voire soutiennent que ça se passe « dans la tête et qu’il suffit de se détendre ». Mais le vaginisme ce n’est pas si simple. Pour s’en sortir, il faut faire des exercices. Rééduquer ses muscles. Consulter un psychologue, un sexologue ou un kinésithérapeute. L’association Les Clés de Vénus est d’ailleurs d’une grande aide. Sur leur site, on peut retrouver des conseils et la description des exercices à faire pour mieux contrôler ses muscles ainsi qu’une liste de contacts.
Noémie quant à elle avance à son rythme avec le kit velvi, des dilatateurs qui permettent au vagin de s’habituer à la pénétration. « Aujourd’hui, j’en suis au 4ème dilatateur du kit velvi. J’ai découvert grâce à une kiné exceptionnelle que mon vagin pouvait accueillir des choses (dilatateur, doigt, sextoy), mes muscles sont malheureusement toujours récalcitrants. Avec mon dernier copain en date, seulement la moitié du gland était rentré… Bon il était plutôt gâté… » explique-t-elle avec humour. Malgré quelques coups de blues, Noémie reste déterminée à guérir et sortir enfin de ce cercle vicieux. « Je ne sais pas si j’ai de l’espoir, j’espère pouvoir guérir, qu’on m’offre cette chance. J’avoue que les histoires de filles qui guérissent en quelques semaines me rendent à la fois heureuse et triste… Pourquoi moi ça met plus longtemps ? Pourquoi je stagne ? Alors que d’autres en quelques jours peuvent atteindre un but que moi je n’arrive pas à atteindre. Mais c’est comme dans tous les combats, tout le monde est différent ! »
* Le prénom a été changé pour préserver l’anonymat de la personne.
Comprendre le vaginisme en images