En pleine période de campagne électorale, alors que la primaire de la gauche ne rencontre pas le succès espéré, la question de l’intérêt des français pour les urnes se pose. Le vote blanc pourrait-il être le vrai représentant d’un refus de la classe politique et d’un ras-le-bol citoyen?
Ce bulletin immaculé est différent de ses cousins, le vote nul et l’abstention, qui signifient un vote non valable dans le premier cas, et une absence de vote dans le second.
Voter blanc est pour beaucoup, qu’ils soient personnalités politiques, politologues, associations et citoyens, une manière de montrer une volonté de participation au débat politique tout en affirmant un désaccord avec toutes les solutions proposées. En effet, dans la manière dont est construite le système démocratique actuel, l’électeur doit choisir un des candidats, donc montrer par son vote son accord avec l’un d’eux. Hors il n’existe aujourd’hui aucun moyen à part le vote blanc de montrer un désaccord avec chaque proposition.
Si le bulletin blanc et son impact sur la démocratie sont source de discussions, un premier pas vers sa reconnaissance a été fait avec la loi du 21 février 2014 « visant à reconnaître le vote blanc aux élections. »
Le texte de loi stipule que « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. »
Le site national vie-publique.fr explique que cette loi « vise à prendre en considération le vote des électeurs qui, par un vote blanc, signifient leur refus de choisir entre les candidats en lice. » Les votes blancs (contrairement aux nuls, qui ne comptent pas), sont depuis décomptés et annexés lors du procès-verbal.
Le vote blanc n’est toujours pas un vote qui compte
Le site établit néanmoins une précision qui est loin d’être anodine : « le nombre des votes blancs n’intervient toutefois pas dans la détermination du nombre des suffrages exprimés, mais il est mentionné dans les résultats du scrutin. »
Cette timide décision ne fait donc que séparer les votes blancs et nuls. Quelle utilité pour la démocratie alors, si ce n’est informer sur un chiffre ? Enrayer l’abstention en reconnaissant le déplacement aux urnes, comme l’a annoncé François Zocchetto, sénateur centriste, maire de Laval et initiateur de la loi du 21 février 2014 ? Il est encore trop tôt pour le savoir, les chiffres ne permettant pas d’établir une corrélation entre la participation et la reconnaissance du vote blanc.
Pour avoir un réel impact démocratique, il aurait été nécessaire de faire en sorte par cette loi ou une autre que les bulletins blancs soient pris en compte dans la détermination des suffrages exprimés.
Laissons-nous nous prendre au jeu des hypothèses. Admettons que si ce bulletin de désaccord était pris en compte dans les suffrages exprimés, il motiverait certains abstentionnistes à aller voter. Dans un premier temps, cette prise en compte pourrait remettre en question la légitimité de l’élection d’un candidat. C’est d’ailleurs ce qu’a précisé François Zocchetto : « Ces résultats vont pouvoir être analysés par les politologues. Ils vont permettre aux politiques de se remettre en cause et de s’interroger sur leur offre si le vote blanc est trop élevé. »
Voter pour recommencer?
D’autre part, dans le cas d’une élection présidentielle régie par l’article 7 de la Constitution qui prévoit que le « président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés », l’intégration des votes blancs dans ces dits suffrages pourrait conduire à ce qu’aucun candidat ne puisse être élu à la majorité absolue. Une nouvelle élection devrait alors être mise en place.
S’il est compréhensible que cette idée puisse effrayer dans un premier lieu car elle mettrait en cause tout le système démocratique et politique que nous connaissons, il se pourrait que ce virage très serré, s’il venait à exister, force toute la classe politique à changer sa manière de faire. Les programmes et les campagnes se verraient différentes, et il est aisé d’imaginer que les partis, face à un vote blanc puissant exprimant un ras-le-bol citoyen, en viennent à remplacer des têtes depuis trop longtemps présentes dans le paysage politique.
Pour résumer, nos femmes et hommes politiques se verraient confrontés à l’intégralité des votants, soit un nombre accru de personnes à convaincre. Il leur faudrait sortir de leur zone de confort, revoir leurs savoir-faire, et repenser des décennies d’exercice de la politique. Un changement qui s’avérerait radical, mais qui apporterait sans doute un bol d’air frais dans la scène politique que beaucoup attendent. Rappelons que selon un sondage publié par Le Parisien-Aujourd’hui en France, les politiciens se trouvent en tête du classement des professions les moins aimées en France, avec seulement 13% de confiance. Des chiffres qui laissent pantois quant au rapport que nous avons avec nos politiques, qui plus est avec l’approche de l’élection présidentielle.