Six ans après son dernier long-métrage de fiction, le réalisateur allemand Wim Wenders sort Perfect Days. Récompensée à Cannes en mai dernier, cette histoire pleine de poésie est une ode à la simplicité et au bonheur dans sa pureté la plus touchante.
Hirayama vit seul dans son appartement modeste proche de la tour Skytree de Tokyo. Le quotidien de ce quinquagénaire est rythmé par son travail d’agent d’entretien de toilettes publiques et par ses activités accoutumées comme boire un verre d’eau au bar ou aller se laver au sento. La routine, ce phénomène habituellement diabolisé mais magnifié ici. Son mode de vie est tellement machinal qu’il ne met pas de réveil, ce sont les coups de balais devant chez lui qui le sortent de son lit. Lorsqu’il sort, il regarde toujours le ciel et les arbres en esquissant un sourire, arbres qu’il prend d’ailleurs tous les jours en photo. Son confort va alors être chamboulé par l’arrivée de son collègue ou encore de sa famille dans son quotidien.
Une réalisation qui excelle dans sa délicatesse
Le réalisateur de Paris, Texas offre une réalisation subtile mais expressive. Plus on avance dans le film, plus on s’abandonne dans la routine de cet agent d’entretien. La puissance émotionnelle du long-métrage, portée par la résignation de Hariyama sur son destin, est consolidée par la bande originale principalement composée de rock américain des années 60 et 70. De Van Morrison aux Rolling Stones, ces musiques entrainantes issues d’une époque de prospérité sonnent comme des hymnes au bonheur et à la sérénité. Le propos du film trouve aussi écho dans la photographie, tout aussi subtile que la mise en scène, de Franz Lustig. Perfect Days est la quatrième oeuvre de la collaboration fructueuse entre lui et Wim Wenders. Koji Yakusho, jouant Hariyama, a remporté le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes. Sa prestation crève l’écran dans ce rôle où il faut dire beaucoup de choses en ne parlant presque pas, les sourires et les regards du personnage donnant souvent l’essentiel du propos.
Un plaidoyer à la beauté du quotidien
Perfect Days s’inscrit dans son époque par sa lucidité. Takashi, le jeune collègue de Hariyama, ne peut pas travailler sans regarder son téléphone ou même plaire à une fille sans dépenser de l’argent. Wim Wenders dénonce un matérialisme excessif et une humanité faussement collectiviste. Le spectateur se met dans la peau du personnage principal et constate ce qu’il manque d’observer chaque jour, de la beauté des arbres à une chanson sur une cassette. On peut reprocher au réalisateur une fin un brin rapide ou même parfois une écriture un peu trop naïve notamment du personnage d’Hirayama. Ces chipotages sont rapidement gommés par la poésie du récit, la justesse du rythme de la réalisation et la beauté des plans de cette ville de Tokyo apaisée. Malgré l’utopie archaïque et extrême car difficilement possible aujourd’hui que présente le film, il laisse en nous une envie de savourer ces journées qui ressemblent à tant d’autres, celles où tous nos gestes semblent familiers, où rien ne vient perturber cette routine confortable. Ces Perfect Days.