Le 15 janvier se terminera l’exposition Worldbuilding au Centre Pompidou. Depuis le 10 juin, la galerie du dernier étage transporte les visiteurs dans un voyage numérique mêlant art et jeu vidéo. Progressisme, psychologie et technologie sont notamment des thèmes abordés par l’exposition qui attire un public jeune.
Arborer les enjeux les plus brûlants de notre époque dans une immense salle de jeu, voici comment le texte introductif de Worldbuilding nous accueille. A l’origine, cette exposition est une idée du commissaire autrichien Hans Ulrich Obrist, qu’il a mis en forme à la fondation Julia Stoschek de Düsseldorf, en 2022. La galerie du Centre Pompidou est quatre fois moins grande que celle de la fondation où chaque œuvre a son médiateur, mais le défi restait de taille pour le musée qui accueillait là sa première exposition numérique.
Romain Vadala, médiateur au Centre Pompidou, décrit les objectifs derrière l’adaptation de cette exposition à Metz : « On veut attirer la jeunesse car c’est vraiment différent, c’est autour du digital et du jeu vidéo. Ces domaines sont encore en train de se développer et ont bien évolué durant ces dernières années. La volonté est de montrer comment les artistes s’inspirent du jeu vidéo, d’un point de vue esthétique mais aussi social. » Objectif rempli car le public d’habitude majoritairement composé d’adultes s’est rajeunit pour WorldBuilding : « C’est générationnel, les personnes âgées sont un peu perdues, il y a énormément d’information sur beaucoup d’écrans. Les jeunes sont assez enthousiastes, ça leur plait de sentir qu’une culture qu’ils connaissent soient le sujet d’une exposition, ils ont besoin d’avoir des références« , précise Romain.
Des thématiques plus qu’actuelles
Les références, les jeunes les retrouvent dans les œuvres présentes, avec par exemple une reproduction d’une exposition de l’artiste Kaws sur le jeu Fortnite, référence obligatoire des moins de 25 ans. Le streaming ou encore la réalité virtuelle, nouvelles façons d’utiliser et de partager les jeux vidéo, sont à l’honneur sur certaines œuvres qui touchent plus la génération Z.
Le regard neuf de l’exposition se dessine aussi dans les thèmes abordés par les artistes. Theo Triantafyllidis traite par exemple de transidentité et de déconstruction de la virilité dans Pastoral. Le joueur incarne un orc non-binaire en bikini ridiculement musclé dans un paysage champêtre idyllique, ambiance opposée des jeux vidéo présentant ce type de personnage. La morale des jeux violents et l’acceptation transidentitaire sont aussi abordées dans l’œuvre de Danielle Brathwaite-Shirley She keeps me damn alive. L’artiste anglaise met le joueur face à ces responsabilités et à ses choix dans un jeu cru et sanglant.
Le jeu vidéo, nouvelle manière de s’exprimer
Le jeu vidéo devient un outil idéal pour véhiculer des messages et certains créateurs s’amusent avec cet art pour élaborer le leur. Pour Totally Fucked, Cory Arcangel a piraté une cartouche du jeu Super Mario Bros pour en modifier l’essence même : Mario se tient sur un cube au milieu du vide, sans qu’il ne puisse bouger car aucune manette n’est là pour que le joueur puisse l’aider. Cette pratique se nomme le modding. Romain Vadala nous traduit l’idée d’Arcangel derrière cette création : « Le joueur, tout comme Mario, est impuissant. L’idée est que nous sommes totally fucked face aux nouvelles technologies. On attend beaucoup d’elles et on est bloqué par le fait qu’elles ne savent pas tout faire, alors que c’est ce qu’on recherche.«
Chaque œuvre possède sa singularité de par sa forme, son interactivité ou sa signification. L’exposition Worldbuilding se distingue de ce que le Centre Pompidou propose usuellement et permet à un nouveau public, plus jeune, de se plonger dans le monde de l’art contemporain.